jeudi 19 mars 2009

Lettre ouverte des représentants des doctorants à la direction

Messieurs les Directeurs,


Nous, représentants élus des doctorants au Conseil de l'Ecole doctorale de Sciences Po, déplorons le peu de cas qui est fait, dans notre établissement, de la recherche et de la formation à la recherche.

Le dialogue entre la direction et les représentants des doctorants est, semble-t-il, tenu pour inutile voire nuisible. Un courrier a été envoyé le 17 mars 2009 aux directeurs de thèse, leur enjoignant de faire soutenir avant le 31 décembre 2009 leurs doctorants de 3ème année et plus. L'obligation d'écrire une thèse en trois ans est imposée de manière RÉTROACTIVE (nous n'avons pas commencé nos thèses en ayant cet impérative à l'esprit) et ne tient compte qu'à la marge des situations individuelles. Cette mesure a été prise sans concertation aucune et dans le secret. Elle contredit les propos tenus aux représentants par la direction. Celle-ci utilise un langage choquant et tient les doctorants pour quantité négligeable, qualifiant ceux qui ont atteint ou dépassé leur 3ème année de "stock d'étudiants en difficulté" et de "charge". Opacité, mépris, violence verbale : telles sont les méthodes employées par la direction de l'Ecole doctorale.

Il convient de rappeler ce qui semble être une évidence : il n'existe pas d'école doctorale sans doctorants. Ceux-ci contribuent au rayonnement national et international de Sciences Po par leurs parutions, par leurs articles, par leurs participations à des colloques et par leurs enseignements, tant à l'IEP que dans d'autres universités.

La mobilisation nationale contre les réformes de l'université et de la recherche connaît un succès évident parmi les étudiants. Ils témoignent ainsi de leur attachement à la recherche en sciences humaines et sociales menées par les doctorants, par les chercheurs et par les enseignants chercheurs des divers laboratoires de Sciences Po.

Sciences Po a pour ambition de s'inscrire en tête des grands classements internationaux des universités. Pourtant, les enseignements à Sciences Po ne sont dispensés, dans leur très grande majorité, ni par des titulaires, ni par des universitaires. L'établissement aurait beaucoup à gagner d'une politique de recrutement privilégiant la titularisation d'universitaires, ne serait-ce qu'en permettant d'augmenter le nombre de publications par des chercheurs titulaires de Sciences Po, et d'améliorer ainsi sa place dans les classements internationaux.

Par ailleurs, la politique actuelle de recrutement des enseignants pénalise directement les jeunes docteurs de Sciences Po. En ne recrutant pas, ou très peu, de chercheurs et d'enseignants issus des universités françaises, Sciences Po se met de fait à l'écart de la communauté universitaire. Les doctorants sont les premiers à pâtir de cet isolement, l'université étant le débouché naturel des jeunes docteurs de Sciences Po.

Aussi nous, chercheurs formés à Sciences Po, sommes victimes de la singularisation croissante de Sciences Po sur la scène universitaire nationale et connaissons des problèmes toujours plus importants de recrutement, sans que l'établissement semble se soucier de notre avenir. A de nombreux égards, nous faisons figure de déclassés d'élite, paradoxalement désavantagés en termes de débouchés par rapport aux docteurs issus des autres établissements universitaires français.

C’est pourquoi nous demandons :

- Le retrait immédiat et sans conditions de la mesure rétroactive sur la durée des thèses ;

- Une politique de recrutement de Sciences Po, ouverte et ambitieuse : création de postes de maîtres de conférence, de chercheurs titulaires et d’ATER, ouverts à tous les candidats ;

- Une augmentation du nombre de financements de thèse ;

- Une concertation sur les débouchés des chercheurs formés à Sciences Po et le problème de leur recrutement dans l’enseignement supérieur et la recherche.


Nous demandons l’ouverture, enfin, d’un grand débat sur l’avenir de la recherche et des chercheurs à Sciences Po, qui associe l’ensemble des acteurs concernés.


Nous vous prions, Messieurs les Directeurs, de bien vouloir entendre le désarroi et la perplexité croissante qui monte dans les rangs de vos personnels et étudiants chercheurs.


Claire MARYNOWER

Jules NAUDET

Adrien FAUVE

Florent BONAVENTURE

Catherine HOEFFLER

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